samedi 25 février 2012

Héraldique médiévale : la mystérieuse aigle "couchée" des Eptingen

  I l  y a quelques années déjà, lors d'un petit séjour à Bâle, en Suisse, il m'est arrivé de traverser les jolis petits villages de la campagne entourant la ville, et le long du Rhin . Et un beau jour je suis arrivé à Pratteln où je suis resté bouche bée lorsque j'ai vu ceci !! :  
village de Pratteln
(Suisse - Bâle-Campagne)

Château de Pratteln , XIIIè-XIVè siècles

.

Armoiries des seigneurs Von Eptingen
Wappenbuch Scheibler (1450)
(dans cet armorial , l'aigle est juste
"languée" de gueules)

 La première réaction, quand on est ignorant comme je le suis, est de se dire que c'est une erreur ! pourquoi cette aigle est elle placée dans ce sens ? cela n'a aucun sens, précisemment !  ou alors c'est encore un coup de marketing d'une agence de pub locale ! 
 Et puis j'ai visité le vieux château et j'ai compris : celui-ci a été la demeure d'une grande famille de la région, les Eptingen, qui portaient ce curieux blason : "d'or à l'aigle de sable , becquée, languée et membrée de gueules , couchée à dextre (ou posée en fasce, la tête vers la dextre) ".
Cette famille bâloise de chevaliers est attestée dès la fin du XIIè siècle, les Eptingen tirent leur nom de leurs châteaux situés dans le "haut-pays" bâlois, près d'Eptingen , précisemment : les "Burgen" Schantz et Witwald . 
ruines du Burg Witwald à Eptingen
© schmutzli52- flickr










 .

Gottfried, le plus ancien membre connu, est mentionné  dans un acte de donation en faveur du couvent de Schöntal, en 1189. Au cours de la première moitié du XIIIè siècle, la famille se scinda en deux branches que distinguèrent les ajouts apportés à leur nom.

La première branche prend possession du château de Blochmont (au-dessus de Kiffis, en Alsace, dans le Sundgau), fief des comtes de Ferrette.

Ingeram Codex (1459)
 .
  Et la seconde fit construire celui de Madeln* (au-dessus de Pratteln), fief des Habsbourg, en fixant  le nom de Von Eptingen dans la seconde moitié du XIVè siècle,  en raison de ses possessions antérieures dans ce lieu.

(*) la forteresse de Madeln sera détruite lors du terrible tremblement de terre de Bâle de 1356 et jamais reconstruite.

Les Eptingen étendront leurs fiefs jusque vers 1450, essentiellement dans le Sundgau méridional (Alsace), le "haut" et le "bas-pays" bâlois et le Fricktal.


document Wikimedia Commons

Wappenbuch Grünenberg (1483)

 Outre l'évêque de Bâle, ils eurent pour
suzerains les comtes de Ferrette, auxquels succédèrent les Habsbourg. Par mariage, ils s'allièrent à d'autres familles nobles et à la bourgeoisie de Bâle. En contact étroit avec la plupart des églises et couvents bâlois, ils favorisèrent en particulier celui d'Olsberg, qui devint l'un de leurs lieux de sépulture préférés. 
Wappenbuch Siebmächer (1605) - folio n° 129



verrière (XVè s.) du Château de Wildenstein , aux armes d'Eptingen
et de Bâle / Basel  (d'argent à la coiffe de crosse épiscopale de sable).


murs de l' église St.Arbogast à Muttenz
 Après la Réforme, les Eptingen restèrent fidèles à la foi de leur suzerain, l'évêque de Bâle. Dès le début du XVIè siècle, la famille résida principalement dans ses possessions du Sundgau, que la Révolution Française leur confisquera en grande partie. Götz Heinrich ( † vers 1478) est l'un des représentants les plus connus de la lignée de Pratteln au XVè siècle. Seigneur de Blotzheim et de Hagental, il siégea au Conseil de Bâle de 1435 à 1440, tout comme Hans Bernhard (†1484) en 1468-1469, qui fut impliqué dans de longs conflits  avec la ville de Bâle. Tous deux luttèrent contre la montée des tensions sociales sur leurs terres, la nation Suisse était en train de se former et les seigneurs qui gardaient leur alliance avec l'Autriche devenaient indésirables. Des raids suisses ont ravagé le Sundgau alsacien, brûlant des villages du côté d'Altkirch et Ferrette en 1445/1446 et se sont attaqué aux possessions des Eptingen . En 1521, Hans Friedrich (†1541), fils de Hans Bernhard, dut vendre Pratteln à la ville de Bâle pour des raisons financières. Son fils Martin fut le dernier descendant mâle de cette lignée.


Armorial Général de France (d'Hozier) - Volume 01 (Alsace) - pages 58 et 93
concernant les domaines d'Hagenthal-le-Haut , Neuwiller et Waldighofen (actuel Haut-Rhin).

  La branche de Blochmont du Sundgau (Alsace) , s'est éteinte elle,  en 1854, et compte également de nombreux notables et maréchaux au service de la ville de Bâle.

  
 Voilà brièvement pour l'Histoire , mais pour le blason , qu'en est il ? D'où vient cette figure étrange ? Les émaux et l'Aigle sont identiques à ceux des armes impériales. Alors est-ce une marque de soumission envers l'Empereur ? Ou bien ces seigneurs ont ils fait quelque chose de mal , et l'Empereur leur a attribué ces armes en guise de punition, comme cela se faisait parfois.  Ou alors l'Aigle est elle  montrée tout simplement en "fonction" de chasse ou d'observation. Je n'ai pas trouvé de réponse , nous en sommes réduits à des hypothèses...

Armorial J.B. Rietstap
  En tout cas cette famille était très fière de son blason , les armes n'ont apparement jamais été brisées, ni augmentées. Par contre, chaque membre de la famille, selon sa fonction,  se faisait un devoir de porter un cimier personnel, plus extravagant que celui du cousin !
  Un vrai festival du cimier... pour notre plaisir !!


documents Wikimedia Commons
Ne me demandez pas pourquoi l'Aigle est couchée à senestre cette fois : je l'ignore !!!

magnifique verrière (XVè s.) du Château de Wildenstein ,
aux armes de Sevogel et d'Eptingen

Pour finir , cette illustre famille a laissé quelques traces dans l'héraldique municipale du Canton de Bâle -Campagne, outre les armoiries de Pratteln vues au début , voici quelques villages qui reprennent le motif avec les variations nécessaires pour les différencier :
blasons des villages de droite à gauche :
1 / Eptingen (village)     -           2 / Ziefen              -            3/ Hölstein          -          4 / Läufelfingen

localisation des noms cités ( en Suisse)



Herald Dick

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