mardi 31 juillet 2012

Logo vs blason : état des lieux pour les emblèmes municipaux #01



Ce n'est pas une obsession pour moi ... et on ne peut pas aller contre le courant :  mais je suis toujours attristé quand une ville, pour marquer ses documents officiels ou son mobilier urbain, délaisse son blason qui ne lui coûtait rien, et qui était un symbole fort, pour le remplacer par un logo parfois insipide, ou minimaliste, mais généralement onéreux en recherche et développement. La dématérialisation des documents administratifs dans les mairies ou leurs services satellites, et Internet surtout, depuis une dizaine d'années, ont précipité ce changement d'époque tragique pour le sort du blason municipal, méprisé et vulnérable..
Il avait pourtant résisté depuis huit siècles, et cela malgré deux révolutions ! Mais la révolution numérique, celle-là,  lui mène la vie dure, c'est certain.
 Récemment, l'éminent héraldiste normand Denis Joulain écrivait sur mon blog à propos de cette substitution d'image fréquente, que  : "non, le blason ne mourrait pas,  mais qu'il se cachait ! "  Jolie formule, à laquelle je veux bien adhérer, mais sans trop de conviction sur un retour probable à la lumière. L'héraldique sera sans doute un jour comme l'archéologie : une science pour tenter d'expliquer le passé au générations futures. 
Ce n'est pas un cas particulier à la France, tous les pays sont touchés par cette transformation entrainée par le numérique et ses vecteurs de communications du XXIe siècle.
Ville de Cologne (Allemagne)
Mais il existe des solutions, des compromis qui peuvent satisfaire toutes les sensibilités : regardez ce logo de la ville de Cologne : l'identité de la ville apparaît clairement,  mise en valeur avec les armoiries, le nom , les flèches de la cathédrale:  le graphisme est sobre, le trait est net : sans excès de couleurs ni de formes compliquées pour satisfaire quelque idée de jeunisme, et sans minimalisme non plus ( à l'opposé de Villeurbanne, plus haut). On est encore dans l'art héraldique ... du bon travail, qui colle à notre époque sans occulter le passé !

Depuis plusieurs années, j'observe et j'étudie ce phénomène. J'ai répertorié les différents cas d'évolution de la signalétique municipale, que j'ai classée en quatre catégories. Le champ d'étude est celui des villes de plus de 10 000 habitants. Pour les petites communes, le blason est encore bien utilisé, voire en progression, avec beaucoup de créations et de créativité, et c'est tant mieux.

Catégorie N°1 : les Résistantes : ces quelques villes qui conservent leur blason comme emblème, sans modification.

 Lons-le-Saunier  (Jura)

Catégorie N°2 : les Transformistes : les villes qui ont relooké leur blason en logo avec un graphisme branché.

Le Havre (Seine-Maritime)


















Catégorie N°3 : les Nostalgiques : les villes qui ont gardé un petit détail identifiable provenant du blason en l'intégrant dans le logo.


Mulhouse (Haut-Rhin)


Catégorie N°4 : les Décomplexées : les villes qui ont franchi le pas, tourné la page,  en ne reprenant aucune référence du passé.

Besançon (Doubs)















Ce petit séisme graphique fait certes des victimes sur l'autel du design,  mais il y a des résistances, un peu à l'image du village des irréductibles gaulois face à l'envahisseur romain chez Astérix ! Mais tout évolue très vite , comme les marques commerciales, les municipalités changent leur branding très régulièrement. Il est possible que très prochainement ces emblèmes soient devenus obsolètes !  Eh bien, ce sera l'occasion d'en reparler...

Voici donc quelques villes françaises de la catégorie N°1 ayant conservé  leurs armoiries comme emblème officiel , en intégralité et sans modification rédhibitoire, mise à part le rajout de leur nom et parfois un slogan :


Poissy (Yvelines)


Calais (Pas-de-Calais)

















Digne (Alpes-de-Haute-Provence)
Pointe-à-Pitre (Guadeloupe)












 





















Mamoudzou (Mayotte)


Etréchy (Essonne)





















 Et chez nos voisins européens :






Ratisbone (Allemagne)













Pampelune (Espagne)

Vienne (Autriche)









Gênes / Genova (Italie)
















Dans un prochain message , je vous montrerai les exemples les plus caractéristiques de la catégorie n°2 des "Transformistes"→ ICI , avec des réussites diverses ...

A bientôt...










Leipzig Utrecht Milan Aberdeen
Villeurbanne Vesoul Sens Chateauroux Meaux Morangis Pamiers Chatenay Malabry Combs la Ville Melun Antibes Juan les Pins

samedi 28 juillet 2012

Un trésor oublié : l'Armorial de La Planche - 1669 - Normandie - Bailliage d' Alençon

 S   uite de la visite d'un des plus anciens manuscrits répertoriant des armoiries de villes et de villages de France, dessinées à la plume et peintes à l'aquarelle, antérieur à l'Armorial Général de France de Charles-René d'Hozier de trois décennies !  Voir la description initiale : →

  Nous poursuivons avec la Normandie et le septième et dernier bailliage , celui du Duché d'Alençon. 
Revenir à l'épisode précédent →





















































vous pouvez agrandir les images
 en cliquant dessus





Ces fragments proviennent toujours du Volume I . À titre comparatif, j'ai placé en-dessous le blason actuel pour apprécier la constance ou au contraire les différences notoires des figures entre les trois siècles et demi qui les séparent.
 Pour enrichir l'étude, j'ai rajouté en bonus, l'extrait équivalent quand il existe, dans l'Armorial Général de France*  (1696-1711), établi par Charles-René d'Hozier.

(*) Armorial Général de France - volume XIX - Normandie - Généralité d'Alençon   

Alençon (Orne)

Il y a eu beaucoup d'études* -et de polémiques-  autour du blason de la ville d'Alençon, si différent du blason aux fleurs de lis du Duché d'Alençon. Comment et quand est arrivée l'aigle, est elle apparue en hommage à  la reine Mathilde (1101-1169) exilée d'Angleterre dans la région, et épouse de l'Empereur germanique, qui avait distribué quelques avantages dans le pays en remerciement ? Beaucoup d' hypothèses, mais pas de certitude. Toujours est-il que cette aigle est présente dans tous les documents depuis le XVIIIe siècle,  à quelques détails près : d'or ou d'argent, sur un champ de sinople au lieu d'azur, avec un vol abaissé ou éployé, une tête ou deux têtes, et quelquefois associée aux fleurs de lis du Duché (parti ou écartelé , ou deux écus géminés) ...
(*) voir l'Armorial de Normandie de Alfred Canel (1849)




Sées (Orne)

Ce petit bourg de 4 500 habitants, a la particularité d'être siège d'un évêché et est pourvu d'une grande cathédrale gothique dédiée à Notre-Dame. Mais au XIIIe siècle, les saints patrons de l'évêché étaient Gervais et Protais, qui figuraient sur le sceau du chapitre. Le Père de La Planche les a ainsi reliés à la cité mais c'est une extrapolation personnelle. Dans l'Armorial Général de France on y trouve un écu "d'azur à trois lis de jardins d'argent tigés d'or". Le blason "d'azur, à la foi et au cœur d'argent enflammé d'or, surmonté d'une fleur de lys du même", a été officialisé le 30 octobre 1830 par lettre patente au nom du roi Louis-Philippe Ier, dans le cadre de la restauration des anciennes armoiries des villes de France, selon l'ordonnance de 1814.



Argentan (Orne)
De manière assez semblable à Alençon, l'aigle d'Argentan est souvent associée au souvenir de la Reine Mathilde, surnommée l'Emperesse, héritière du royaume et chassée d'Angleterre par le roi usurpateur Étienne (Stephen) de Blois qui a intrigué et lui a fait la guerre pour s'emparer du trône. On notera que l'aigle est passé du statut monocéphale au XVIIe siècle à celui de bicéphale notamment sous la Restauration en 1817 et ce jusqu'à aujourd'hui.



Verneuil-sur-Avre
(Eure)

Les armoiries de Verneuil ont été rétablies en 1816 par lettres patentes du roi, en réunissant deux anciens sceaux municipaux utilisés indifféremment, celui au lion surmonté d'un chef aux trois fleur de lis (comme celui de 1669, mais avec un champ d'or), et un sceau avec une simple fleur de lis. L'Armorial Général de France a semble-t-il enregistré un blason attribué "d'office".



L' Aigle (Orne)

Encore une origine sigillaire (XIIIe s.) et cette fois ce sont des armes parlantes. Le blason "moderne" au chef fleurdelisé est celui enregistré dans l'Armorial Général de France d'Hozier. A noter que la graphie "L'Aigle" est très récente (1961), on écrivait avant : Laigle en un seul mot, comme sur les deux manuscrits.



D'autres lieux ou villes sont décrits dans le texte, mais sans blason : Exmes, Essay, Lonlay-l'Abbaye
ou avec un contour de blason, mais resté vierge, et sans blasonnement : Domfront.

  # cependant, quelques années plus tard, certains lieux (en gras, ci-dessus) ont été enregistrés et blasonnés dans l'Armorial Général de France , ils sont encore d'actualité, avec quelques petites évolutions :


commune de
Lonlay-l'Abbaye (Orne)


Domfront (Orne)
 

  Nous en avons terminé avec la série consacrée à la Généralité de Normandie, telle qu'elle était constituée à l'époque de l'auteur. Mais les observateurs et les habitants des cantons de Mortagne ou de Bellême auront remarqué qu'un petit pays n'a pas été recensé : le Perche,  partiellement situé dans le département de l'Orne.
 Ce n'est pas un oubli : vous comprendrez bientôt dans le prochain épisode →

A bientôt...

Crédits :
parmi les blasons "modernes" certains sont empruntés à et parfois modifiés à :
http://armorialdefrance.fr/
http://labanquedublason2.com/ (dessins : Jean-Paul Fernon)

 Et je remercie particulièrement les personnes responsables de la Bibliothèque et des Archives du Musée du Château de Chantilly :  http://www.bibliotheque-conde.fr/


                Herald Dick