lundi 19 novembre 2012

Héraldique médiévale : Les Chroniques de Guillaume de Tyr (XIVe siècle) - 1ère partie

Une représentation idéalisée de la chevalerie pendant les Croisades ... 


  Entre le XIIe et le XVe siècle, les enlumineurs et autres imagiers ont puisé dans un répertoire très fourni pour représenter le monde musulman. Les occidentaux avaient besoin de clés pour comprendre et se représenter ces "ennemis" de la  foi chrétienne contre lesquels il fallait partir en Croisade. Connaître leur représentation physique, leurs vêtements, leurs armures et équipements de guerre, leurs coutumes était primordial. Mais en ces temps, il n'y avait pas de reporters de guerre, pas de photos, pas d'enregistrement audiovisuel.  Tout se faisait par la relation des faits par ceux qui avaient la chance de revenir de ces contrées lointaines, souvent après de rudes combats. Ainsi c'est un monde imaginaire qui s'est construit autour de faits historiques plus ou moins avérés,  embellis par la légende, mais souvent respectueux de la qualité des adversaires. Ainsi, une héraldique propre à cette époque et ces évènements s'est développée, attribuant des armoiries à tous les protagonistes, alors qu'en réalité elle était très peu utilisée par les combattants chrétiens et pratiquement inexistante du côté des adversaires... Il a y eu même par exemple un Armorial de Saladin, le grand chef militaire musulman, qui a écrasé l'armée des Francs et reconquis la Palestine.
Guillaume de Tyr écrivant

Guillaume de Tyr (~1130-1184) était un seigneur ecclésiastique lettré, né en Orient et qui a fait ses études en Europe dans les plus grandes universités avant de retourner dans les États latins d'Orient. Il s'est consacré,  parfois sur commande des Princes chrétiens du moment,  à la narration de la vie et des exploits des Croisés en Terre Sainte dans son Historia . Plus tard,  les copistes ont réalisé ce très célèbre manuscrit coté fr.22495 et conservé à la BNF : les Chroniques de Guillaume de Tyr , le Roman de Godefroi de Bouillon ,dont j'ai extrait quelques pages illustrées par des enluminures du XIVè siècle, avec représentations héraldiques de toute beauté. J'ai respecté l'ordre d'apparition des images dans le manuscrit,  mais seulement gardé celles où sont représentées des armoiries. Ces enluminures sont attribuées à l'atelier de Richard de Montbaston et au Maître de Fauvel..

folio 11v - représentation du Peuple des Turcs (caparaçon de gueules aux croissants d'or)
folio 19 -  la bataille de Kibotos ou Civitot en Anatolie / Turquie (1096)
caparaçon chrétien : doloires (ou coquilles St-Jacques) - écus et caparaçons musulmans : têtes de maures , hures de sanglier et mouchetures d'hermines 
folio 34v -  à gauche  :Godefroi de Bouillon réprimandant Baudouin
à droite : le départ de Baudouin pour l'Arménie 
 (caparaçon de gueules à l'aigle d'or - écu chevronné d'or et de sinople) 
folio 36 -  le siège d'Artah (1097) , par Godefroi de Bouillon, en tenue de roi de Jérusalem  (caparaçon d'argent à la croix cantonnée de croisettes d'or)
folio 43 -  la bataille d'Antioche (1098) - caparaçons musulmans : croissants, mouchetures d'hermines - écus et caparaçons chrétiens : lion et billettes, croix et croisettes, croissants, mouchetures d'hermines.
folio 78 -  à gauche : Godefroi de Bouillon passant le Jourdain (écu de gueules à la croix et croisettes d'or - écu de pourpre au lion de sable) - à droite  : Godefroi tuant un chameau.
folio 79v -  à gauche : Baudouin de Boulogne, recevant un messager
à droite : la bataille du Nahr al-Kalb (1100)

 chrétiens : caparaçon de pourpre aux doloires (ou coquilles St-Jacques) d'or -  musulmans : caparaçon d'or aux annelets de sable. (notez le débordement de la hache d'armes sur le texte, insolite !)
folio 95v -  la bataille de Shaizar (1111) - cavaliers francs (caparaçon de pourpre au lion d'or contourné - écu d'or à la bande de sable accostée d'étoiles du même) contre musulmans (caparaçon d'or aux annelets de sable , écu d'azur semé de besants d'or)

folio 105 -  la bataille d'Ager Sanguinis (1119) - mort de Roger de Salerne, Prince d'Antioche (caparaçon de pourpre chargé d'un lion d'or , harnais de sable aux annelets d'or) tué par un cavalier musulman ( caparaçon de gueules semé d'étoiles d'or - harnais d'azur à la barre d'or)


folio 106v -  la bataille de Dânîth (1119) - victoire du roi Baudouin II de Bourcq (caparaçon de gueules à l'aigle d'or) sur les musulmans (caparaçon de sinople semé de besants d'or et chargé d'un lion du même) -notez la croix dans le fond de la scène : tout le symbole de la Croisade.  
folio 109v -  la bataille de Yabnâh (1123) - cavaliers francs (caparaçon de gueules au lion d'or contourné) vainqueurs contre cavaliers égyptiens (caparaçon d'argent semé de tourteaux de gueules et chargé d'un lion de sable - harnais de sable à trois châteaux d'or - écu de gueules à l’aigle d'or) - noter les badges ronds ou rectangulaires sur les épaules des hauberts des combattants.
folio 115 -  la prise de Tyr  (1124) - entrée des croisés dans la ville (caparaçons d'azur à la croix cantonnée de croisettes recroisetées d'argent - d'or semé de croisettes recroisetées de sable ) - notez les exactions faites sur les prisonniers musulmans : têtes coupées à gauche.

Vous remarquerez au passage quelques belles lettrines et encadrements ornés de motifs végétaux , d'arabesques et une tête humaine...

Cette série sera suivie d'une seconde partie,  dans quelques semaines ... ICI


(images provenant de la Banque d'Images numérisées de la BnF)

             Herald Dick
 

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